Colloque forêt privée + municipalités – 10 octobre 2024

Un engouement inégalé pour le colloque sur la forêt privée : Mobiliser le monde municipal pour l’avenir des forêts privées

Mont-Tremblant, le 10 octobre 2024 – C’est le 10 octobre dernier que se déroulait, au Ax Hôtel à Mont-Tremblant, le colloque «municipalités + forêt privée». L’événement qui affichait «complet» a réuni plus de 95 personnes, notamment des élus, des urbanistes, des conseillers et conseillères en aménagement du territoire œuvrant au sein de 25 municipalités et de 5 MRC des Laurentides, 1 MRC de l’Outaouais et 3 MRC de Lanaudière, ainsi que des intervenants du secteur forestier.

La forêt privée constitue un outil crucial pour la conservation des milieux naturels, le maintien de la biodiversité, l’occupation du territoire, la production de bois, la connectivité des milieux naturels, etc. Ce colloque a permis de créer un espace de réflexion et d’échanges sur l’avenir des boisés privés, en mettant en lumière leur importance face aux défis environnementaux actuels, notamment les changements climatiques.

En plus des cinq conférenciers, trois panélistes issus du monde municipal ont présenté des exemples concrets de leadership municipal en forêt privée. Alors qu’un panéliste a montré comment l’aménagement forestier de leur propriété a permis d’être un levier financier de développement récréotouristique (vélo de montagne, sentiers, etc.), un autre a expliqué comment leur MRC a mis en place une stratégie pour éviter la perte de couvert forestier et favoriser la mise en valeur des forêts privées.

Élément important du colloque, les participants ont été appelés à réfléchir à la manière dont la réglementation municipale peut être un outil pour favoriser la mise en valeur des forêts privées. « On a assisté à des discussions de fond, sur les enjeux vécus de part et d’autre. On constate que les connaissances en foresterie doivent être mieux diffusées auprès des municipalités pour favoriser le dialogue et pour faire état des retombées environnementales positives liées à l’aménagement forestier. L’aménagement forestier est un outil dont on ne devrait pas se passer dans le contexte actuel de crise climatique » mentionne Mme Justine Ethier, directrice de Signature Bois Laurentides.

«L’aménagement durable des forêts est axé sur le maintien ou l’amélioration de la santé à long terme des écosystèmes forestiers, afin d’offrir aux générations d’aujourd’hui et dedemain les avantages environnementaux, économiques et sociaux que procurent ces écosystèmes. En favorisant l’aménagement forestier durable, les propriétaires et les municipalités peuvent contribuer à l’amélioration de ces trois sphères.  », ajoute M. Normand St-Amour, président de l’Agence des forêts privées des Laurentides.

Soulignons que la forêt privée occupe environ 4 960 km2 dans les Laurentides, soit environ 75 % du territoire privé. Elle appartient à plus de 13 000 propriétaires de boisés. Lors des 20 dernières années, moins de 10 % du potentiel forestier laurentiens en terres privées a été mis en valeur.

 

Faits saillants – conférences:

LE RÔLE DE LA FORESTERIE DANS LA CONSERVATION DE LA BIODIVERSITÉ

La biodiversité est en crise. Au Québec, c’est 37 espèces désignées menacées, 28 vulnérables désignées, 13 % des vertébrés sont en situation précaire, la moitié sont des espèces forestières.

Comment conserver la biodiversité en milieu forestier? L’exploitation forestières exerce certes des pressions mais celle-ci peut également permettre de limiter la fragmentation du couvert forestier de manière à contribuer à la connectivité écologique et à maintenir les services écologiques. Par exemple, l’aménagement forestier peut contribuer en priorisant le maintien des superficies boisées ou le reboisement dans les corridors écologiques. L’aménagement forestier peut également contribuer à la biodiversité par le contrôle des espèces exotiques envahissantes problématiques par exemple.

L’expression « biens et services écologiques » désigne les avantages économiques, écologiques et sociaux directs que procurent aux humains les écosystèmes tels que les milieux humides et les bassins versants, incluant notamment la préservation de l’eau, la protection contre les inondations, la séquestration du carbone et le maintien de l’habitat de la faune et des poissons. Étant donné que les forêts privées fournissent bon nombre de biens et services écologiques aux communautés, il est dans l’intérêt de tous d’encourager les propriétaires forestiers à aménager leurs forêts et de reconnaître la contribution précieuse des forêts privées à la qualité de vie globale des citoyens.

En somme, les plan d’aménagement forestier «bonifiés»,qui comprennent l’information forestière de base d’un PAF traditionnel, mais qui accorde en plus une plus grande attention aux éléments sensibles des propriétés forestières, pourraient être privilégiés pour favoriser la conservation et la biodiversité.

LE RÔLE DE LA FORESTERIE DANS LA CONNECTIVITÉ DES MILIEUX NATURELS

Les aménagements forestiers durables permettent de garder les écosystèmes en santé et de favoriser la protection de la connectivité forestière ainsi que de la biodiversité. Le rôle des propriétaires forestiers n’est donc pas à négliger puisque le maintien de la connectivité passe par la présence de boisés sur le territoire.

Pourquoi maintenir les corridors écologiques :

  • Faciliter le déplacement de la faune entre les habitats et la dispersion de la flore
  • Contribuer au maintien et à l’amélioration des services que nous rend la nature
  • Maintenir la biodiversité
  • Augmenter la résilience des écosystèmes face aux changements climatiques en permettant la migration vers le nord des espèces

Ce qui peut être fait pour favoriser la connectivité écologique

  • Favoriser le maintien à long terme de la vocation forestière du lot boisé
  • Aménager le lot de manière à faciliter le déplacement de la faune
  • Maintenir une partie du lot boisé intacte
  • Poursuivre la pratique de la foresterie durable
  • Ne pas vendre le lot boisé à des développeurs immobiliers
  • Évitez d’installer des clôtures
  • Ne pas fragmenter le lot boisé par la construction de routes permanentes et de bâtiments

Le taux de mortalité des arbres est en augmentation partout au Canada et pour toutes les espèces depuis les années 70-80. Les changements climatiques engendrent davantage de sécheresse et des augmentations de température globale. Les risques d’incendie augmenteront, certains insectes envahisseurs connaitront une plus grande progression, etc.

Plusieurs options permettraient d’adapter l’aménagement des forêts aux effets des changements climatiques. L’une d’elles, la migration assistée d’espèces d’arbres, est en train d’être analysée par les aménagistes forestiers. Historiquement, les forêts se sont toujours ajustées par elles-mêmes aux changements du climat. Cependant, la rapidité inégalée des changements climatiques actuels est telle que les espèces d’arbres ne seront peut-être pas capables de migrer assez vite ou de s’adapter génétiquement à ces changements du climat. L’expression « migration assistée » renvoie au déplacement délibéré d’espèces par l’humain vers de nouveaux emplacements plus favorables à leur croissance, dans le but de les aider à survivre et à se développer sous de nouvelles conditions climatiques. L’implantation de la migration assistée pose des questions nouvelles et complexes aux plans scientifique, social et éthique[1].

[1] https://cfs.nrcan.gc.ca/pubwarehouse/pdfs/35869.pdf

Christian Messier mentionne les éléments suivants :

  • On peut adapter nos forêts pour le futur en ENRICHISSANT la composition génétique (provenance) et spécifique (nouvelles espèces) de celles-ci.
  • Comme pour vos investissements, on peut DIVERSIFIER intelligemment les espèces d’arbres dans nos forêts pour réduire les risques.
  • En diversifiant nos plantations, on diminue la susceptibilité aux perturbations et on augmente la production des services écosystémiques.

L’aménagement forestier peut donc être à ce titre être un outil pour l’adaptation aux changements climatiques.

Approches pour concilier conservation et mise en valeur des forêts privés:

  1. Planification intégrée de l’aménagement forestier;
  2. Sylviculture écosystémique;
  3. Certification forestière;
  4. Incitatifs financiers pour la conservation;
  5. Bâtir la confiance entre les intervenants du milieu;
  6. S’entraider entre professionnels au bénéfice de l’environnement, du développement durable et des besoins des propriétaires.

En conclusion :

Les municipalités et MRC peuvent jouer un rôle prédominant dans la préservation des couverts forestiers, de la biodiversité, et dans la lutte aux changements climatiques. Pour ce faire, le travail des ingénieurs forestiers doit être reconnu et une confiance doit leur être accordé. Les règlements municipaux concernant l’abattage d’arbres doivent aller de paire avec la mise en valeur des boisés. Enfin, l’aménagement forestier doit être perçu comme un outil qui va de paire avec l’environnement et la lutte aux changements climatiques.

Bien que la forêt privée ne représente que 27%[2] de la superficie forestière des Laurentides, le potentiel est nettement plus élevé. Quelques obstacles freinent toutefois le développement de cette filière.

Une réglementation municipale mal adaptée au contexte des opérations forestières limite la possibilité de tenir des activités sylvicoles, ce qui contribue à l’abandon de l’aménagement forestier durable en forêt privée. En d’autres termes, certains règlements municipaux vont à l’encontre des normes et pratiques de gestion favorisant une durabilité.

Dans un même ordre d’idées, une règlementation qui ne s’arrime pas à la science sylvicole ou parce qu’elle est trop complexe ou encore qui n’est fondée sur une vision long terme, réduit la prévisibilité de sylviculture pour ceux œuvrant en forêt privée.

D’un autre côté, des réglementations bien rédigées permettent de concilier les divers usages de la forêt privée tout en favorisant l’aménagement forestier.

Plusieurs municipalités des Laurentides se rangent malheureusement dans le premier scénario, c’est-à-dire que plusieurs organisations municipales imposent des règlements restrictifs, qui s’apparentent davantage à des contraintes qu’à des politiques réfléchies. Voici quelques exemples :

[2] Fédération des producteurs forestiers du Québec (2019), p.4 : https://www.foretprivee.ca/wp-content/uploads/2019/04/La-foret-privee-chiffree-2019.pdf

  • Protection (bandes riveraines, marge sur les cours d’eau ou milieux humides) exagérées en comparaison avec la forêt publique : 60 mètres vs 20 mètres RADF ;
  • Imposition de garanties financières élevées, soit de 2 000$ à 7 500$;
  • Prix du permis exagéré soit de 1000$ à 2000$;
  • Interdire la coupe dans un certain zonage même pour un producteur forestier considérant que le statut de producteur forestier est accordé par le MRNF. Ceci s’apparente à une tentative de retirer un droit fondamental de propriété;
  • Interdiction d’utiliser une abatteuse;
  • Restrictions exagérées pour la durée des travaux : « Les activités forestières et tous les travaux qui en découlent sont autorisés entre le 15 novembre d’une année et le 31 mars de l’année suivante. Toutefois, les travaux sont interdits lorsque la température dépasse 5 degrés Celsius pendant 3 jours consécutifs. »

Par chance, plusieurs municipalités et MRC collaborent et favorisent une bonne synergie. Le monde municipal et le monde forestier doivent mieux collaborer et travailler ensemble pour l’avenir des forêts privées.

Pour des exemples de leadership municipal en forêt privée : https://boislaurentides.com/wp-content/uploads/Municipalites-et-gestion-forestiere-en-foret-privee-24-01v3.pdf