Industrie forestière | Objectif: survivre jusqu’en 2038

Depuis plusieurs mois, le conflit du bois d’œuvre est à l’avant-scène quand on parle de l’industrie forestière au Québec, mais dans les Hautes-Laurentides le maintien de la structure industrielle au cours des deux prochaines décennies et le recrutement de main-d’œuvre sont également au cœur des priorités.

AUTEUR SIMON DOMINÉ , RÉDACTEUR EN CHEF

Source: http://www.lecourant.ca/articles/789-objectif-survivre-jusquen-2038.html

«On ne pourra jamais sortir la forêt d’Antoine-Labelle», plaide François Racine, président de Signature Bois Laurentides, qui souhaite voir la structure industrielle actuellement en place dans les Hautes-Laurentides se maintenir dans les prochaines décennies

Travailler fort pour survivre jusqu’en 2038, voilà l’objectif des membres de Signature Bois Laurentides, un organisme sans but lucratif qui compte parmi ses membres des employeurs majeurs dans la région, comme Louisiana-Pacific, Crête, Forex ou encore Uniboard Canada. Prendre soin de cette structure industrielle qui représente le premier pilier économique dans la MRC d’Antoine-Labelle, c’est préserver plusieurs milliers d’emplois directs et indirects, croit François Racine, président de l’organisme. «C’est majeur, soutient-il. C’est important qu’elle se maintienne. J’ai rien contre les autres secteurs d’intervention, mais je me dis: on ne pourra jamais sortir la forêt d’Antoine-Labelle, même s’il y a eu une crise, même si on a de la difficulté de main-d’œuvre; faut travailler pour trouver des solutions, c’est juste ça.»

ATTENDRE APRÈS LE RÉSINEUX

La vision 2038 mise de l’avant par Signature Bois Laurentides est née de la crise et des volumes additionnels non récoltés entre 2008 et 2010 que les forestiers ont dernièrement réussi à aller chercher. Mais pourquoi exactement se doter d’une vision et d’une stratégie qui se donnent l’année 2038 comme horizon? C’est qu’à cette date, les plus vieilles plantations effectuées dans la région au cours des années 1990, seront devenues mâtures et donc en âge d’être coupées. «Aujourd’hui, on est dans des forêts mixtes, avec des peuplements feuillus et résineux et quand on va arriver là, on va être dans des peuplements purs de résineux, fait remarquer le président de Signature Bois Laurentides. C’est plus facile de récolter dans une plantation de résineux qu’à travers une forêt mixte.» Que ce soit dans les environs de Mont-Laurier ou aussi loin que dans les territoires au nord du chemin de Parent, il sera plus avantageux économiquement pour l’industrie de rentrer dans ces territoires purement résineux.

LE DÉFI DE LA MAIN-D’ŒUVRE

Encore faudra-t-il que les entreprises disposent de la main-d’œuvre nécessaire. «Actuellement, je peux vous dire que la relève c’est notre dossier majeur, mentionne en effet M. Racine. Oui, la forêt est là, mais comment est-ce qu’on va faire pour intéresser les jeunes? La crise économique a fait en sorte que le secteur n’a pas été trop, trop sexy au niveau des formations et au niveau de l’emploi. À ce titre-là, personne n’avait d’intérêt. Sauf qu’aujourd’hui, on est dans une situation où ça va un petit peu mieux et on a une vision un petit peu plus à long terme. Il va y avoir de l’emploi pour ces gens-là.» De la main-d’œuvre en forêt, ça veut dire des entrepreneurs forestiers prêts à prendre des risques et qui peuvent compter sur l’appui du secteur financier pour se lancer en affaires, acquérir de l’équipement et de la formation. Mais ça veut aussi dire trouver des jeunes pour occuper des postes spécialisés en usine, comme des électrotechniciens ou des affûteurs. «Aujourd’hui, on a de la difficulté, on se les arrache, parce que de plus en plus de nos usines sont automatisées et on est loin des grands centres, soupire M. Racine. Les gens qui sont formés ne veulent pas nécessairement venir en région, c’est pas nécessairement facile. C’est ça notre réalité au Québec. Les régions sont délaissées au profit des grands centres et on a de la difficulté.»

L’ENJEU DE L’ACCÈS AU FINANCEMENT

Sans compter que les jeunes du coin qui partent tenter leur chance ailleurs n’ont pas toujours le goût de revenir dans le coin. «Quand t’expatries tes jeunes à l’extérieur c’est toujours plus dur de revenir, illustre le président de Signature Bois Laurentides. Ils se trouvent un chum ou une blonde à Québec ou à Montréal. C’est pas facile!» Alors oui, heureusement, Mont-Laurier peut compter sur un Centre de formation professionnelle, un cégep et même un centre universitaire, il n’empêche: la foresterie, «C’est pas des emplois faciles» et «Faut faire des sacrifices», tempère M. Racine. Et il ne faut pas oublier le coût des équipements. «Un kit d’abatteuse avec un transporteur dans le résineux, ça coûte 1,5 millions de dollars, explique t-il. Faut le financer. Et toutes ces opérations-là sont faites à forfait. C’est sûr que la méthode a changé, t’as besoin d’un petit peu moins de main-d’œuvre, mais ça prend quelqu’un qui prend le risque de supporter un jeune qui veut se partir en affaires. Pour ça, on a besoin de l’aide des banques, des caisses, d’Investissement Québec, qui prennent le risque.»C

«On couvre toutes les Laurentides, parce qu’on ne touche pas seulement l’exploitation, mais aussi la première, la deuxième et la troisième transformation de St-Jérôme à ici. Mais faut pas se le cacher, la forêt, elle est dans Antoine-Labelle.» – François Racine, président de Signature Bois Laurentides