5 exemples se projets de tri sur chantier des résidus de construction-rénovation-démolition (CRD)

Chaque année, le secteur de la construction au Québec génère plus de 3,5 millions de tonnes de matières résiduelles, dont seulement 25 % sont recyclées ou valorisées (RECYC-QUÉBEC 2023). Face à ce défi, plusieurs projets novateurs ont vu le jour pour améliorer le tri et la gestion des déchets issus des chantiers. Voici cinq exemples inspirants.

 

1. ÉCOTRI SUR CHANTIER DE TRANSPORT DÉSOURDY, BROMONT

Contexte :

Dans la MRC de Brome-Missisquoi, la majorité des résidus de CRD est envoyée aux centres d’enfouissement. Les subventions de RECYC-QUÉBEC se concentrent principalement sur des centres de tri mécanisés.

Objectifs :

Démontrer qu’il est possible de détourner 70 % des CRD sans une mécanisation importante et créer un petit centre de tri pour les résidus de construction.

Participants : 

14 entreprises de Bromont ont participé au projet sur 29 chantiers entre juin 2022 et janvier 2023. La majorité des projets étaient des constructions résidentielles, mais on retrouve aussi 2 projets commerciaux et 3 projets industriels.

Projet :

  • Transport Désourdy, une entreprise qui offrait la location de conteneurs, a mis sur pied un projet pilote de tri à la source « clé en main » pour les entrepreneurs. Ces derniers listent les matières qu’ils souhaitent trier, puis Transport Désourdyleur fournit les conteneurs et bacs en conséquence.
  • En collaboration avec Pleins Rayons, un organisme d’intégration de jeunes adultes avec des limitations fonctionnelles, le projet a profité des nombreux projets de rénovation annuels issus de la station de ski Bromont.
  • Les conteneurs étant souvent utilisés comme poubelles sur un chantier, la Ville de Bromont fournit des bacs bleus, bruns et noir sur les chantiers pour décontaminer les CRD des déchets domestiques.
  • Chaque chantier a fait un travail de réflexion et de planification en amont afin d’optimiser le tri. Des fiches ont été remplies pour décrire les projets et matériaux qui pouvaient être récupérés. Les conteneurs ont été divisés en 3 compartiments dont le contenu était déterminé en fonction de chaque chantier, avec un compartiment de matériaux mixtes qui demanderaient un tri additionnel.
  • Un centre de tri temporaire a été mis sur pied sous forme de dôme gonflable afin d’effectuer le tri secondaire.

Avantages pour les entrepreneurs : 

  • Un seul déplacement permet d’apporter et de rapporter tous les conteneurs et contenus des bacs.
  • L’entrepreneur n’interagit qu’avec un seul interlocuteur pour l’ensemble de ses matières.
  • Des affiches aimantées pour les conteneurs sont fournis et installés lors de la réception.
  • Des conteneurs de petit volume sont disponibles et des bacs pour les matières faiblement générées (déchets, métaux et résidus domestiques dangereux) sont également fournis.
  • De la formation avant et à la livraison des équipements a été offerte.
  • Une ligne téléphonique « SOS tri » pour répondre aux questions a été mise en place.

Résultats :

  • Réduction des CRD envoyés à l’enfouissement de 75 % (80% pour les chantiers de constructions neuves).
  • 24 % de réduction des émissions de GES.
  • Les entreprises participantes ont exprimé leur souhait de prolonger le service.
  • RECYC-QUÉBEC travaille actuellement à développer différents outils pour aider les acteurs de l’industrie de la construction qui souhaiteraient trier les résidus de CRD à la source, comme des capsules de formation, de la signalisation ou des registres de suivi.
  • La première pelletée de terre pour le nouveau centre de tri a débuté en juillet 2024 grâce à la subvention de RECYC-QUÉBEC.

 

2. APCHQ & STRATZER

Contexte :

L’APCHQ s’est associé à Stratzer (entreprise en planification, opération, caractérisation et optimisation de la gestion des matières résiduelles et de l’économie circulaire) pour réaliser un projet pilote au courant de l’année 2023.

Participants :

Sept entrepreneurs de régions distinctes se sont portés volontaires, avec 11 projets diversifiés en termes de type d’immeubles et de travaux (duplex, jumelé, maison de ville ou de campagne, multilogements).

Objectif :

Documenter les conditions favorables pour augmenter le taux de matières récupérées et calculer les impacts du tri à la source.

Projet : 

En tout, 20 matières ou produits différents ont été visés. Certaines matières ont été choisies par la majorité des entrepreneurs, notamment le bois (10 chantiers sur 11).

Résultats :

  • Augmentation moyenne du taux de valorisation : 28 % en construction et 15 % en rénovation.
  • Coûts de gestion des CRD en moyenne réduits de 24 $/tonne.
  • Temps moyen supplémentaire requis pour une première expérience de tri à la source en construction est de 12,5 heures pour des chantiers d’une durée de 3 à 9 mois. Les chantiers de rénovation requièrent généralement plus de temps.
  • Activités supplémentaires et impacts sur les opérations :
    • En excluant les ressources humaines, 6 chantiers sur 11 ont vu leur coût de gestion des CRD diminuer, mais cela varie entre -28% et +30% avec une moyenne de -24$/tonne. *Les coûts de projets sont basés sur la compilation des factures liées à la location des conteneurs, leur transport et la gestion des matières. Elle exclut le transport des matières par l’entrepreneur lui-même et les heures liées aux ressources humaines.
    • En incluant les ressources humaines, en moyenne le coût supplémentaire du tri à la source a été de 547$. Un seul chantier a obtenu un gain financier.

Conclusion : 

  • Pour obtenir un taux de valorisation proche ou supérieur à l’objectif de 70% ciblé par le gouvernement du Québec, il convient de cibler principalement le bois, le gypse et les agrégats.
  • La majorité des intervenants ont mentionné vouloir poursuivre le tri à la source sur leur chantier futur pour une ou deux voies de collecte, majoritairement le bois.

 

3. PROJET PILOTE DE DÉCONSTRUCTION DE BÂTIMENTS, GASPÉSIE

Contexte :

Deux projets ont été ciblés à Chandler et Grande-Rivière pour documenter les démarches vers le réemploi des matériaux.

Objectifs : 

  • Identifier clairement et scientifiquement les démarches, impacts, freins, pistes de solutions, arguments et outils pouvant mener à l’implantation systématique d’une approche plus en amont des CRD.
  • Documenter les enjeux et impacts et produire des outils destinés aux décideurs et gestionnaires des municipalités et entreprises afin de faciliter la réplication sur d’autres territoires.

Processus :

Un cadre structuré a été mis en place en trois phases (pré-déconstruction, déconstruction, post-déconstruction) pour maximiser la récupération.

Phase pré-déconstruction

  • Émission d’un besoin de déconstruction
  • Rédaction du projet
  • Dépôt de la demande de financement
  • Rédaction de devis et affichage d’appel d’offre
  • Demande des autorisations et permis
  • Réaliser les opérations

Phase déconstruction

  • Structurer les opérations
  • Aménagement du site pour faciliter le stockage, le conditionnement et le transport
  • Tri et stockage déconstruction structurelle
  • Tri et stockage gestion de la fondation
  • Démobilisation de la main d’œuvre et des équipements

Phase post-déconstruction

  • Inspection visuelle des matériaux, tri et gestion des priorités
  • Stockage des matériaux, tri par lot et étiquetage
  • Appel aux acheteurs identifiés au préalable
  • Nettoyage et fermeture du site
  • Reddition de compte
  • Diffusion des résultats et recommandations
  • Adoption des nouvelles pratiques

Résultats :

  • 145 tonnes de matières redirigées vers le réemploi, représentant 70 % des matières générées.
  • Coûts de déconstruction comparables à ceux de démolition, avec une approche déconstruction plus favorable à long terme.

Site de Chandler

  • Total des coûts de démolition : 129 879 $
  • Total des coûts de déconstruction : 123 707 $
  • Observations
    • La valorisation du mélange bois/bardeau permet de réduire significativement l’enfouissement
    • Le réemploi fût marginal à cause de la contamination (feu, amiante, bâtiment abandonné pendant plusieurs années)
    • Excluant la gestion de projet qui était comparable pour les 2 scénarios
    • En considérant 0 $ pour les 9 tonnes dirigées au réemploi (don)

Site de Grande-Rivière

  • Total des coûts de démolition : 161 399 $
  • Total des coûts de déconstruction : 158 904 $
  • Observations :
    • En considérant que 100% du volume issu de la démolition était dirigé vers l’enfouissement
    • Tous les revenus potentiels ne sont pas comptabilisés (ventes à poursuivre)

Conclusion : 

L’approche déconstruction peut concurrencer l’approche démolition. Le réemploi évite la consommation de ressources vierges et évite donc des coûts d’extraction, de gestion, de traitement, de transport et de fin de vie, comparativement à l’usage unique d’un matériau.

 

4. TRI’N’COLLECT, FRANCE

Contexte :

Créée en 2019, cette entreprise accompagne tout protagoniste de la filière construction et bâtiment pour un meilleur recyclage de leurs déchets de chantier via des formations et sensibilisations des artisans aux bons gestes de tri, une mise à disposition de stations de tri, une collecte régulière sur chantier et un recyclage local dans les filières adaptées (avec 13 matières recyclées à ce jour) et des certificats de traçabilité contractuelle des déchets.

Participants :

Réseau de 16 agences réparties en France.

Processus : 

La méthode de tri à la source développée est inspirée du Lean management :

  • Sensibilisation avec accompagnement pour s’assurer des connaissances des gestes de tri adéquats des entreprises.
  • Tri à la source via un contenant par déchet au plus proche de l’utilisateur.
  • Collecte avec des passages réguliers au chantier (stations de tri en extérieur pour le gros œuvre et stations de tri en intérieur pour le second œuvre).
  • Recyclage et traçabilité avec certificat fourni.

Résultats :

  • 90% de valorisation moyenne des déchets issus du chantier.

 

5. FILIÈRE DE RECYCLAGE DES DÉCHETS DE CHANTIER, FRANCE

Contexte :

Opérationnelle depuis mai 2023, son objectif est de générer des pratiques plus vertueuses en matière de collecte, tri des déchets, réemploi et éco-conception en mettant en place la collecte gratuite des déchets du bâtiment aux entreprises de la construction, aux artisans et aux particuliers.

Participants :

4 éco-organismes (Valobat, Ecominéro, Ecomaisonet Valdelia) ont ouvert leurs portes à la reprise gratuite des déchets du bâtiment dans plus de 500 points de collecte.

Outils à dispositions des entreprises : 

  • Carte géolocalisée gratuite pour identifier le point de reprise le plus proche et le type de flux autorisé.
  • Affichage mis en place dans les déchetteries et chez les distributeurs de matériaux.

Résultats :

  • 69% de taux de valorisation des déchets de la filière, concerne surtout les matériaux inertes.
  • 26% de taux de valorisation des produits du second œuvre (bois, plastiques, produits composés, etc.).

 

Conclusion

Ces projets illustrent des approches novatrices et variées pour améliorer le tri et la valorisation des résidus de construction, rénovation et démolition. En intégrant des méthodes efficaces et des collaborations entre les acteurs du secteur, il est possible de réduire considérablement les déchets envoyés à l’enfouissement et de favoriser un modèle d’économie circulaire au Québec et au-delà.

 

Sources : 

  1. Écotri sur chantier de Transport Désourdy, Bromont
  2. APCHQ & Stratzer
  3. Projet pilote de déconstruction de bâtiments, Gaspésie
  4. Tri’n’Collect, France
  5. Filière de recyclage des déchets de chantier, France